Ah, l’image de son corps! Je te contemple si souvent ces derniers temps. Je pense à toi pendant que je regarde mon enfant grandir, dormir, et jouer comme si c’était son j-o-b (parce que c’est le cas), sans crainte, ni timidité. Je pense à toi lorsque je regarde des coachs de yoga courageux, comme Kathryn Budig, parler de cette terrible image corporelle véhiculée sur Internet et sur les réseaux sociaux. Je vous invite à écouter la conférence qu’elle a donnée pour Mind Body Green à ce sujet.
Et je pense à toi lorsque j’entends Donald Trump cracher sa misogynie, de manière générale et spécifique, sur des femmes puissantes et prospères comme Megyn Kelly, Rosie O’Donnell et Heidi Klum.
Je vois à quel point notre culture est alambiquée et dysfonctionnelle en ce qui concerne le pouvoir et le corps des femmes. Et cela me laisse perplexe. Je vois à quel point, il est totalement déresponsabilisant et dangereux, de continuer à traiter inconsciemment et ouvertement (!) les femmes comme des biens. Je me demande à quel moment, la joie et la détermination de ma fille à vivre dans son corps, commenceront à se transformer en gêne et en honte.
Je sais qu’elle me considérera comme son principal modèle. Et donc, même si j’ai parfois envie de me cacher lorsqu’il s’agit de parler d’image corporelle, je sais que je ne peux pas. Je dois reprendre mes esprits, et me rappeler que si je veux voir quelque chose de positif se produire dans le monde, je dois commencer par mes propres pensées et mon propre comportement.
C’est essentiellement ce qu’a fait Klum lorsqu’elle a répondu à la remarque publique de Trump, selon laquelle elle n’était « plus un 10/10 ». Non seulement cela met en lumière l’absurdité totale de son commentaire, mais Klum montre aussi clairement à Trump, qu’elle ne se soucie pas de ce qu’il pense de son corps et de son apparence. Et qu’est ce que cela peut bien lui faire si elle n’est plus un 10/10 ? Retrouvez la vidéo ici.
Même s’il peut sembler facile pour un ancien topmodel, à succès, de faire une telle déclaration, cela m’a inspiré. Cela m’a fait réfléchir à la manière, dont je peux utiliser les outils qu’offre le yoga, pour développer une image corporelle plus saine, et résister à cette folle pression culturelle à propos du corps des femmes.
VOICI LA RECETTE D’UN CORPS DÉLICIEUX
C’est une recette en deux parties :
Premièrement, nous faisons un effort pour guérir notre relation avec notre corps, en inversant le discours intérieur négatif. Voici un exemple : je me suis surprise à parler de mes années d’anorexie-boulimie, et de mon récent changement physique suite à ma grossesse, devant ma fille – j’en parlais en riant (à moitié) et pourtant j’en faisais un vrai Sujet. Et quand je l’ai regardée, j’ai vu qu’elle regardait et écoutait attentivement. Bien qu’elle soit encore petite, elle prenait en compte mon discours intérieur négatif. (Oui, ce n’est pas un moment dont je suis très fière.)
Autre exemple, je me suis mariée l’année dernière, en Toscane, 3 mois après avoir accouché… J’avais trouvé une robe en last minute, pensant que ce n’était clairement pas la chose la plus importante. (Se faire faire une robe de mariée 6 mois à l’avance, alors que j’étais déjà très enceinte était clairement mission impossible! Et je ne souhaitais pas non plus acheter une robe hors de prix que je ne porterai que quelques heures… Ce n’était pas mon idée du mariage, que je voulais le plus simple possible). Bref, je me suis donc rabattue sur une robe, toute simple. Je me sentais belle dedans en l’essayant. Et pourtant, en voyant les photos du mariage, j’ai été prise d’une déception immense! Je me trouvais grosse, je ne voyais que les défauts de mon corps dans la robe… J’étais en boucle avec un discours négatif et triste. Mon mari a dû supporter cela et j’ai dû finalement, involontairement, le convaincre que ma robe ne m’allait pas. Alors qu’il m’avait trouvé très belle dedans le Jour J. Je me suis auto-gâchée le souvenir d’une si belle journée, pour un détail de robe absolument inutile. Les mariages sont toujours beaux et heureux! Et quelle que soit la mariée ou la robe, la mariée reste la plus belle car elle irradie d’amour et de bonheur. Et la robe ne reste qu’un simple accessoire. Le reste, on s’en fiche!
En clair, si je parle de moi de cette façon, j’invite tous ceux qui m’entourent à me regarder négativement. Et c’est très mauvais! C’est une bonne leçon pour moi : mon propre processus de guérison nécessite un effort à long terme, vers plus de bienveillance et de positivité.
Deuxièmement, nous nous entraînons à abandonner les attentes malsaines que nous avons envers notre corps, qu’elles viennent des autres ou de nous-mêmes. (En yoga, il s’agit d’une forme de « non-attachement ».)
Abandonner ce que les autres pensent de nous est incroyablement difficile à mettre en œuvre, parce que nous sommes culturellement adaptés à ce que notre ego soit validé à chaque instant. Nous recherchons constamment des éloges. Et nous intériorisons les critiques – qu’elles soient justes ou non – pour signifier que nous sommes nuls. Mais le non-attachement nous enseigne que si nous nous permettons d’intérioriser constamment les louanges ou la honte, nous nous exposons à beaucoup de déceptions, et à un sentiment d’échec personnel dans sa vie.
Une façon de pratiquer le non-attachement est d’être compatissant envers nous-mêmes, et de remarquer à quel point le corps est dynamique et en constante évolution. Nous nous sentons différents chaque jour selon la façon dont nous avons dormi, ce que nous avons mangé, de notre cycle (vive les femmes!) et même en fonction de la météo. Nous nous sentons différents d’année en année, parce que nous grandissons, nos hormones changent, nous vieillissons, nous traversons des périodes de stress, nous traversons des périodes faciles – et notre corps reflète tout cela. Vu sous cet angle, le corps est un messager que nous devons écouter.
Une autre alternative consiste à considérer son corps d’un point de vue spirituel : votre corps n’est pas votre essence ; c’est un vaisseau pour vous tout entier, y compris votre cœur et votre esprit. Ce n’est pas l’intégralité de votre identité.
Pattabhi Jois a déclaré : « Le corps n’est qu’une maison que l’on loue ». Kathryn Budig l’exprime autrement, appelant le corps notre « meat suit » (ou « costume fait de viande ». Ils disent tous les deux la même chose : le corps va disparaître. C’est juste un tas de chair et d’os. Ce qui reste, le plus important, c’est ce qu’il y a à l’intérieur. Votre corps est un moyen pour vous de vivre votre dharma ou le but de votre vie dans ce monde. Et c’est indéniablement miraculeux. Alors, peu importe ce que les autres pensent de votre apparence ?
NE PUIS-JE PAS JUSTE OBTENIR MON POIDS IDÉAL POUR ÊTRE HEUREUX ?
Maintenant, vous pensez peut-être : « Ummmmm, comment puis-je guérir à nouveau ma relation avec mon corps ? Est-ce que je dois vraiment faire ça ou puis-je simplement essayer d’atteindre mon poids idéal et alors je serai vraiment très content de moi et heureux ? »
Écoutez, je sais à quel point il peut être difficile d’avoir une image corporelle positive. Mais voici pourquoi c’est important : avoir des sentiments négatifs à l’égard de son corps est une forme de honte. Selon la sociologue et chercheuse sur la honte, Brene Brown, la honte est le sentiment que nous sommes intrinsèquement imparfaits et indignes d’amour et d’appartenance. La honte est fortement corrélée à la dépression, à l’agressivité, à la dépendance, au suicide et aux troubles de l’alimentation.
À l’inverse, lorsque vous savez que vous êtes digne d’amour et d’appartenance, vous vous sentez puissant. Vous pouvez sortir et accomplir le but de votre vie. Alors, vous devez le faire. Vous devez vous dire : « Je suis assez. Mon corps suffit ! »
Voici 3 phases à mettre en place
1. COMMENCEZ PAR PRENDRE SOIN DE SOI
Commencez par le principe selon lequel prendre soin de son corps et maximiser son bien-être est la clé. Faites le point sur la nourriture que vous mangez, le temps que vous consacrez à l’exercice et à la pratique spirituelle, les médias que vous ingérez et les relations que vous entretenez. Ce sont toutes des considérations importantes. C’est le point de départ pour prendre soin de son navire.
2. PRATIQUEZ LA PLEINE CONSCIENCE : CULTIVEZ LA PENSÉE OPPOSÉE
La deuxième partie vient du Yoga Sutra de Patanjali, II.33 : « Lorsque vous êtes harcelé par le doute, cultivez l’attitude mentale opposée. » (vitarkabadhane pratipakshabhavanam pour les accros du sanskrit.)
L’idée est d’observer vos pensées concernant votre corps et, lorsque des pensées négatives surgissent, de cultiver la pensée opposée.
Essayez-le la prochaine fois que vous pratiquerez : peut-être y a-t-il un moment où votre corps ne fera pas ce que vous voulez, ou peut-être ouvrirez vous cette « boîte à problèmes » qui ronge constamment vos pensées. Vous savez, comme cette partie de votre corps que vous trouvez trop large ou trop courte, trop molle ou trop osseuse ?
Ces jours-ci, c’est mon ventre. Ainsi, pendant que je m’entraîne, j’observe à quelle fréquence je pinaille mon pauvre ventre. Et puis j’essaie d’inverser le discours intérieur négatif. Au lieu de le qualifier de flasque, je me souviens qu’il a été la maison de mon petit bébé pendant 9 mois. Je pose la main dessus. Je lui donne un peu d’amour et je le remercie de faire son travail. Il n’est pas nécessaire que ce soit un grand geste ; il suffit de reconnaître la pensée négative, de voir l’opposé et de passer à autre chose.
Et je devrai peut-être faire cela encore et encore tout au long de mes pratiques. Mais en faisant un effort pour corriger ce schéma de pensées négatives, je me souviens que mon corps, mon vaisseau, est un miracle.
3. PRATIQUEZ LA PLEINE CONSCIENCE : ABANDONNEZ LES LOUANGES ET LA HONTE
Enfin, remarquez comment vous réagissez intérieurement lorsque d’autres personnes vous félicitent, ou vous critiquent sur votre apparence extérieure.
Permettez-vous de ressentir ce que vous ressentez. Je veux dire, retenez vraiment ce sentiment et laissez-le vous traverser – qu’il s’agisse de validation, de tristesse, de fureur, peu importe. Et puis : Entraînez-vous. Si vous le souhaitez, vous pouvez le faire avec une visualisation – soufflez-la comme un pissenlit. Ou frappez-le avec un marteau. Balayez-le avec un balai géant. Si vous êtes plus verbal, traitez vos sentiments avec un ami ou un thérapeute. Mais : il doit toujours y avoir un point final pour passer à autre chose.
Cela demande de l’autodiscipline, mais cela vaut la peine de faire des efforts. Comme Georg Feuerstein l’a écrit dans The Shambhala Encyclopedia of Yoga, «Vairagya signifie l’humeur et la pratique du renoncement, ou l’abandon de la passion ; parfois compté comme l’une des composantes de l’autodiscipline. »
Rappelez-vous que votre corps est un miracle. Et cela mérite toute une vie de soins et d’attention. Mais vous êtes bien plus qu’un corps. Vous êtes puissant au-delà de votre apparence extérieure. Puisez dans cela. Sortez et vivez!